ce que le Français veut le plus au monde
"Aujourd’hui, ce que le Français veut le plus au monde, c’est faire ses courses jour et nuit et sept jours sur sept s’il le souhaite. Deux choses sont importantes en 2013: éliminer les Roms de la surface de la Terre et obéir à notre instinct de consommateurs."
Charlie Hebdo Officiel
Consommer, j'écris ton nom 14 Oct 2013
«Je veux pouvoir acheter des trucs quand je veux.» Quand, dans quelques siècles, un historien dépouillera la presse d’octobre 2013, il sera surpris de constater qu’en pleine crise économique les micros-trottoirs donnaient largement la parole à une catégorie inattendue de la population: les consommateurs frustrés. Ils ne sont pas frustrés de ne pas avoir le minimum vital, ils ne sont pas frustrés de lécher les vitrines à défaut d’avoir les moyens de bouffer ce qu’il y a dedans. Ils sont frustrés de ne pas pouvoir acheter le dimanche du matériel de bricolage fabriqué par des esclaves chinois. Ils sont frustrés de ne pouvoir acheter leur boîte de Granola à l’huile de palme ou leur sent-y-a-bon Guerlain après 21 heures.
L’historien du futur aura-t-il l’occasion d’étudier un rapport du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) réalisé en 2008? Le résultat de l’enquête devrait le faire marrer. On y apprend que, si «52,5 % des Français sont favorables à l’idée qu’il faudrait autoriser tous les commerces à ouvrir le dimanche s’ils le souhaitent, seulement 39 % des Français (actifs) seraient prêts à travailler régulièrement le dimanche» et que «3 Français sur 4 considèrent que le temps d’ouverture des commerces est déjà suffisant». Oui, mais, vous me direz, ça, c’était en 2008. Tout va très vite, et aujourd’hui, ce que le Français veut le plus au monde, c’est faire ses courses jour et nuit et sept jours sur sept s’il le souhaite. Deux choses sont importantes en 2013: éliminer les Roms de la surface de la Terre et obéir à notre instinct de consommateurs. Nous sommes de grands fauves: lorsque nous avons envie d’un paquet de nouilles après 21 heures, nous exigeons que notre terrain de chasse soit accessible. Ouvrez les grilles du Monoprix, je veux des nouilles! Combien de fois le soir avons-nous été réveillés par ces rugissements de bêtes furieuses! Ouvrir les magasins tard, c’est la garantie d’éliminer une grosse partie du tapage nocturne qui empêche les fauves déjà rassasiés de finir leur digestion.
Il faudrait que l’historien du futur retrouve l’enregistrement d’une émission sur LCI où l’on voit Gérard Carrerou et Ivan Rioufol traiter un porte-parole du Front de gauche de bolchevique et de stalinien parce qu’il défend le Code du travail. Imposer aux gens le jour où ils doivent se reposer et les horaires où ils doivent consommer, c’est totalitaire! L’individu d’abord!"
http://www.charliehebdo.fr/news/consommer-jecris-ton-nom-1007.html