vous aimez les bretzels ? comme Hitler ! (ou comment clouer le bec à l'attaché culturel lors des cocktails de l'ambassadeur)
"Petit recueil de 18 moisissures argumentatives pour concours de mauvaise foi
Posté le 6 décembre 2010 par Le CorteX par Richard Monvoisin, vice-champion de mauvaise foi 2008, et Stanislas Antczak, champion 2007. (Certains sophismes sont davantage détaillés dans l’article Logique – Le monde de sophisme).
Nous avons découpé ces moisissures argumentatives en trois grandes catégories : les erreurs logiques, les attaques, et les travestissements.
Table des matières
A. Erreurs logiques
1. La généralisation abusive
2. Le raisonnement panglossien
3. Le Non sequitur (« qui ne suit pas les prémisses »)
4. L’analogie douteuse
5. L’appel à l’ignorance (ou argumentum ad ignorantiam)
6. Le post hoc ergo propter hoc (ou effet atchoum)
B. Attaques
7. L’attaque personnelle (ou argumentum ad hominem)
8. Le déshonneur par association (et son cas particulier : le reductio ad hitlerum)
9. La pente savonneuse
10. L’homme de paille (dite technique de l’épouvantail, ou strawman)
11. L’argument du silence (ou argumentum a silentio)
12. Le renversement de la charge de la preuve
C. Travestissements
13. Le faux dilemme
14. La pétition de principe
15. La technique du chiffon rouge (ou red herring, ou hareng fumé)
16. L’argument d’autorité (ou argumentum ad verecundiam)
17. L’appel à la popularité (ou argumentum ad populum)
18. L’appel à la pitié (ou argumentum ad misericordiam)
A. Erreurs logiques
1. La généralisation abusive
Méthode : prendre un échantillon trop petit et en tirer une conclusion générale.
Exemples :
Mon voisin est un connard moustachu, donc tous les moustachus sont des cons.
Les Chinois sont vachement sympas. J’en connais deux, ils sont trop cools.
2. Le raisonnement panglossien
Méthode : raisonner à rebours, vers une cause possible parmi d’autres, vers un scénario préconçu ou vers la position que l’on souhaite prouver.
Exemples :
C’est fou, la banane a été créée pour être facile à éplucher.
Le monde est trop bien foutu, c’est une preuve de l’existence d’une volonté divine.
3. Le Non sequitur (« qui ne suit pas les prémisses »)
Méthode : tirer une conclusion ne suivant pas logiquement les prémisses. Deux types d’argumentaires :
Si A est vraie, alors B est vraie.
Or, B est vraie.
Donc A est vraie.
Si A est vraie, alors B est vraie.
Or, A est fausse.
Donc B est fausse.
Attention : la conclusion peut être finalement juste, mais le raisonnement est faux.
Exemples :
Tous les consommateurs d’héroïne ont commencé par le haschisch. Tu fumes du haschisch, donc tu vas finir héroïnomane.
Française des Jeux : 100% des gagnants auront tenté leur chance (décomposé, cela donne : tous ceux qui ont gagné ont joué. Donc si tu joues, tu gagnes).
On m’a dit « Si tu ne manges pas ta soupe, tu finiras au bagne », or je mange ma soupe, donc je n’irai pas au bagne.
4. L’analogie douteuse
Méthode : discréditer une situation en utilisant une situation de référence lui ressemblant de manière lointaine.
Exemples :
Vous refusez de débattre avec les créationnistes, vous êtes anti-démocratique.
Oui, Mussolini et Pol Pot ont commencé aussi comme ça… (Cette variante se rapproche du déshonneur par association, voir 8).
Vous ne me croyez pas, mais Galilée aussi a été condamné et avait raison. (On appelle celui-ci le syndrome de Galilée).
5. L’appel à l’ignorance (ou argumentum ad ignorantiam)
Méthode : prétendre que quelque chose est vrai seulement parce qu’il n’a pas été démontré que c’était faux, ou que c’est faux parce qu’il n’a pas été démontré que c’était vrai.
Exemples :
Il est impossible de prouver que je n’ai pas été enlevé par des extraterrestres. Donc j’ai été enlevé par des extraterrestres (argument de Raël).
Il n’est pas démontré que les ondes wi-fi ne sont pas nocives. Donc elles le sont.
6. Le post hoc ergo propter hoc (ou effet atchoum)
Méthode : après cela, donc à cause de cela. Confondre conséquence et postériorité.
B est arrivé après A
donc B a été causée par A.
Exemple :
J’ai bu une tisane, puis mon rhume a disparu ; donc c’est grâce à la tisane.
J’ai éternué, et hop, il a plu !
B. Attaques
7. L’attaque personnelle (ou argumentum ad hominem)
Méthode : attaquer la personne (sur sa moralité, son caractère, sa nationalité, sa religion…) et non ses arguments.
Exemples :
Impossible de donner du crédit à Heidegger, vu ses affinités nazies.
Comment peut-on adhérer aux positions de Rousseau sur l’éducation, alors qu’il a abandonné ses propres enfants ?
Variante 1 : l’empoisonnement du puits
Méthode : sous-entendre qu’il y a un lien entre les traits de caractère d’une personne et les idées ou les arguments qu’elle met en avant.
Exemple :
critiquer les positions mystiques, ça ne m’étonne pas de vous, vous avez toujours été sans cœur
Variante 2 : le Tu quoque (ou toi aussi 1)
Méthode : jeter l’opprobre sur la personne en raison de choses qu’elle a faites ou dites par le passé, en révélant une incohérence de ses actes ou propositions antérieures avec les arguments qu’elle défend.
Exemples :
Comment Voltaire peut-il prétendre parler de l’égalité des Hommes alors qu’il avait investi dans le commerce des esclaves ?
Comment croire José Bové alors qu’il fume du tabac américain de Virginie 2 ?
8. Le déshonneur par association (et son cas particulier : le reductio ad hitlerum)
Méthode : comparer l’interlocuteur ou ses positions à une situation ou à un personnage servant de repoussoir.
Exemple :
Voyons, si tu adhères à la théorie de Darwin, alors tu cautionnes la « sélection » des espèces, donc le darwinisme social et l’eugénisme, ce qui mène droit aux nazis.
Tu critiques la psychanalyse ? Comme Jean-Marie Le Pen !
9. La pente savonneuse
Méthode : faire croire que si on adopte la position de l’interlocuteur, les pires conséquences, les pires menaces sont à craindre.
Exemples :
Si l’humain descend du singe où va-t-on ? C’en est fini de la morale !
Les thérapies cognitives, c’est la porte ouverte au Prozac et à la Ritaline pour les enfants.
Si on autorise les préservatifs à l’école, ce sera quoi la prochaine fois? Des flingues ? De la drogue ?
10. L’homme de paille (dite technique de l’épouvantail, ou strawman)
Méthode : travestir la position de l’interlocuteur en une autre, plus facile à réfuter ou à ridiculiser.
Exemples :
les théoriciens de l’évolution disent que la vie sur Terre est apparue par hasard. N’importe quoi ! Comment un être humain ou un éléphant pourraient apparaître de rien, comme ça ?
Les adversaires de l’astrologie prétendent que les astres n’ont pas d’influence sur nous. Allez donc demander aux marins si la Lune n’a pas d’influence sur les marées !
11. L’argument du silence (ou argumentum a silentio)
Méthode : accuser l’interlocuteur d’ignorance d’un sujet parce qu’il ne dit rien dessus.
Exemple :
Je vois que vous ne connaissez pas bien la philosophie politique puisque vous passez sous silence les travaux de John Rawls, c’est inadmissible !
12. Le renversement de la charge de la preuve
Méthode : demander à l’interlocuteur de prouver que ce qu’on avance est faux.
Exemple :
Mais prouvez-moi donc que la politique migratoire actuelle est inefficace..
À vous de me démontrer que le monstre du Loch Ness n’existe pas.
C. Travestissements
13. Le faux dilemme
Méthode : réduire abusivement le problème à deux choix pour conduire à une conclusion forcée.
Exemples :
Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous (l’argument dit de George W. Bush).
Le sol sous-marin de Bimini a été fait soit par des humains, soit par des gens de l’Atlantide. Mais des humains n’auraient pas pu faire ça, donc c’est forcément des gens de l’Atlantide.
La crise : mythe ou réalité ?
14. La pétition de principe
Méthode : faire une démonstration contenant déjà l’acceptation de sa conclusion.
Exemples :
Les recherches bactériologiques de l’Armée sont nécessaires, sinon comment pourrait-elle nous soigner en cas d’attaque militaire bactériologique ?
Jésus est né d’une vierge. Comment cela serait-il possible sans l’intervention divine ?
15. La technique du chiffon rouge (ou red herring, ou hareng fumé)
Méthode : déplacer le débat vers une position intenable par l’interlocuteur.
Exemples :
Remettre en cause le lobbying industriel sur les nanotechnologies ? Autant revenir à la lampe à huile et à la marine à voile.
Et tous ces gens qui font de la réflexologie, ce sont des imbéciles, peut-être ?
16. L’argument d’autorité (ou argumentum ad verecundiam)
Méthode : invoquer une personnalité faisant ou semblant faire autorité dans le domaine concerné.
Exemples :
Isaac Newton était un génie, et il croyait en Dieu, donc Dieu existe.
Si même Nicolas Hulot met du shampoing Ushuaia, c’est que ça doit être sain.
17. L’appel à la popularité (ou argumentum ad populum)
Méthode : Invoquer le grand nombre de personnes qui adhèrent à une idée.
Exemples :
Des millions de personnes regardent TF1, ça ne peut donc pas être si nul.
Des milliers de gens se servent de l’homéopathie, ça prouve bien que ça marche.
18. L’appel à la pitié (ou argumentum ad misericordiam)
Méthode : plaider des circonstances atténuantes ou particulières qui suscitent de la sympathie et donc cherchent à endormir les critères d’évaluation de l’interlocuteur.
Exemples :
Roman Polanski, il faut le défendre, il a beaucoup souffert. On ne peut pas accuser aussi gravement quelqu’un qui a autant de talent (suite au procès pour viol sur mineure)
« Bien sûr, le tordeur de métal Uri Geller a triché, mais sous la pression que lui mettaient les scientifiques, on comprend qu’il en soit venu là. »
- Testé plusieurs fois lors des concours de mauvaise foi d’Ultimate Z, l’université d’été de l’Observatoire Zététique. Le modèle a été ensuite remanié, et utilisé par différents collectifs dans des débats féministes et lors d’un atelier d’économie populaire à Antigone, Grenoble.
Notes:
Clin d’œil à César, poignardé par son fils Brutus. Il aurait alors déclaré « tu quoque, mi fili » (toi aussi, mon fils), ce qui est probablement légendaire car la première mention est rapportée par Suétone, né 113 ans après la mort de César. Il est plus probable qu’il ait dit plutôt quelque chose comme « ouille ». ↩
Affirmation gratuite, sans preuve. ↩"
Commentaires
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